Il est des mots si peu usités à notre époque du tout mobile que lorsqu'on les entend, ils renvoient notre imagination à un temps lointain ou la langue française nous semblait regorger de nom, verbes, qualificatifs pleins de sonorités et de rythmes. Peut-être que dans 50 ans le "je kiffe la vibe" aura acquis ce charme désuet. Bigre! est un de ces mots qui vous place immédiatement dans un contexte historique. Cette interjection est aussi le nom d'un big band français qui a sorti en mai 2014 l'album qui nous intéresse: To Bigre! Or Not To Bigre!?.
19 musiciens qui se font entendre ! Car dans ce big band les solistes sont de très bon niveau et les compositions permettent de voyager avec, ici, un rythme cubain, là, une soul américaine matinée de funk. L'ensemble de l'album est très dansant et optimiste. To Bigre! Or Not To Bigre!? nous est livré avec 2 parties bien distinctes. Ainsi les plages 1 à 10 sont les compositions originales et les plages 11 à 20 les remix. Autant vous dire tout de suite que les remix n'ont aucun intérêt si ce n'est prendre de l'espace sonore sur un disque déjà bien chargé. Une petite vidéo d'un concert en lieu et place des dits remix aurait été du meilleur effet. Tant pis pour nous.
To Bigre! Or Not To Bigre!? s'ouvre sur Timba Para Los Gringos et les rythmes latinos nous ordonnent de bouger le bas du dos... Dès ce premier morceau la précision rythmique de la mise en place des cuivres est impressionnante. Pierre Desassis se charge du solo de sax et se sert bien de l'appui du big band pour construire son solo, belle prestation.
Funkovitch nous entraîne comme son nom l'indique sur les routes du funk. La trompette de Félicien Bouchot en solo permanent sur les riffs de trombones fait un peu trop bavardage. Le compositeur pensait bien se servir mais c'est lassant. La deuxième partie de Funkovitch double la vitesse, le saxophoniste soliste Romain Cuoq fait un solo correct mais le big band semble tourner sous ecstasy ce qui rend l'écoute peu plaisante.
Le chant de Clyde Rabatel-Zapata vient se poser sur une chanson soul assez classique: In The City. 2 choristes Thaïs Lopes de Pina et Célia Kaméni viennent appuyer le chant avec une belle réussite. Le tromboniste Jean Crozat s'occupe du solo avec aisance. Le morceau est assez classique et ne renouvelle pas le genre. On peut apprécier le travail de qualité fourni mais le tube n'est pas encore là.
Hé!, non je ne hèle pas le garçon de café, il s'agit du titre de ce quatrième morceau. Thème lancinant assez réussi avec en première partie un très bon solo de trompette par Thierry Seneau, suivi par un solo de Romain Nassini aux claviers très Zawinulesque dans l'esprit.
On enchaîne avec Top Pizza et LA grosse révélation, le saxophoniste Thibaut Fontana qui fait certainement le meilleur solo de l'album en montant crescendo dans son jeu, son rythme, son alternance de tensions relâchements, la maîtrise parfaite des harmoniques, on se régale. Pour une pizza ce ne peut-être qu'une royale !
Le chanteur revient sur CR2's Funky Lament, tout aussi classique que la première chanson avec en plus un solo de Romain Dugelay très groovy.
Jean No's Dance nous ramène sur les rythmes latinos avec Pierre Desassis au saxophone qui reprend du service. Un jeu très rythmique qui n'est vraiment pas évident à faire, n'est pas Paquito di Riveira qui veut. Mais là encore une belle réussite et un solo complètement différent du premier, ce qui montre la polyvalence du soufflant.
Hate:Love:Whatever commence comme une soul ballade quand tout le big band vient assaillir la chanteuse rageusement. Beau timbre de voix pour Célia Kameni et solo tout en rondeur pour Thibaut Fontana avant que le final ne soit submergé par un déluge de notes.
Valioud apporte des sonorités orientales, cela fonctionne même si le thème est un peu lourd.Sylvain Thomas assure un très bon solo de trombone, le deuxième à prendre le chorus est un saxophoniste: Fred Gardette. Assez lyrique, le saxophoniste semble un peu trop pris par la volonté de coller au style pour se donner à 100%.
Pour finir, Ca Va Eté?, dynamique et joyeux, une invitation au groove que vous ne pouvez pas refuser. Le trompettiste Hervé Salamone prend un solo très classique dans une première partie pour ensuite s'attaquer aux suraigües avec brio.
To Bigre! Or Not To Bigre!? doit rencontrer le succès car certes sur l'ensemble des compositions, il n'y a pas un tube qui ressort, mais l'homogénéité de l'enregistrement, la qualité des solistes (encore bravo à Fontana pour le solo sur Top Pizza), la précision rythmique et le groove sous-jacent dans chaque titre, sont des raisons plus que suffisantes pour écouter le quatrième album de Bigre!:
To Bigre! Or Not To Bigre!?. Bien entendu je vous recommande de les voir en live mais les grands ensembles rencontrent souvent des difficultés pour réunir tout le monde lors de tournées. Il vous reste quelques vidéos qui circulent sur You Tube pour vous faire une idée.
Note: 14/20
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