Jazz
Pour cette sixième édition, de l'amateurisme éclairé, le festival devient professionnel et des têtes d'affiches osent venir à Limoges où le public est toujours au rendez-vous.
3 concerts "in" et 1 "off":
Le premier concert est certainement le meilleur des 4, Ron Carter ouvre officiellement le festival à l'opéra théatre.
Pour ce concert le contrebassiste s'est entouré d'un pianiste Mulgrew Miller et d'un guitariste Kevin Eubanks. Pas de batteur pour que l'auditeur puisse entendre les nuances subtiles de la contrebasse. Ron Carter à 74 ans nous invite comme il le dit dans son living room, la sensibilité du jeu du contrebassiste est impressionnante. Les thèmes s'enchainent et l'influence bop des musiciens que Ron Carter a croisé au cours de son immense carrière transpire sur chaque mesure ( Miles Davis, Monk, Cannonball Aderley, ...). La virtuosité du papy jazz est toujours au service de l'émotion et il s'amuse même sur un solo à jouer la suite numéro 5 de Bach. Ses acolytes ne sont pas en reste et la maitrise du pianiste Miller est sans faille, une complicité lie ce dernier au contrebassiste et elle ne doit pas dater d'une semaine. Mais la révélation fut pour moi le guitariste Eubanks qui assure sur tous les domaines du jeu. Que ce soit en accords, picking ou taping, le virtuose enchaîne les soli avec une sensibilité à fleur de peau, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un guitariste aussi doué.
Petit bémol sur la soirée d'ouverture, la balance n'était pas parfaite et il fallait tendre l'oreille pour entendre certains soli.
Deuxième concert, toujours à l'opéra théatre, avec une ambiance complètement différente. L'Orchestre National de Jazz (ONJ) dirigé actuellement par Daniel Yvinec nous offre un spectacle alliant composition, musique improvisée et vidéos. Le principe exposé par Daniel Yvinec est de partir d'enregistrement de voix et de composer la musique à partir de la voix. L'idée est de renverser la création musicale habituelle où la voix vient se poser sur une musique déjà composée à partir d'une ligne de basse ou d'une grille d'accord, d'un riff de guitare, etc ... Même si la présentation ressemble à un devoir scolaire que Mr Yvinec devait présenter à l'oral, le résultat est très intéressant.
Donc sur chaque composition un chanteur (voix enregistré), des soli et une vidéo. Les musiciens sont nombreux, en effet un sax alto et ténor, une clarinette basse, une pianiste, un clavier, un guitariste, un bassiste, un batteur, un trompettiste, une flute traversière. Les compositions sont très bien faites avec des arrangements laissant une place aux cuivres très importantes, Yvinec nous prouve son talent de composition pour créer des ambiances sonores cinématiques. Les morceaux s'enchainent sans déplaisir avec des soli inégaux, les musiciens n'ont pas tous la même qualité de jeu et d'improvisation. Mention spéciale au sax ténor (Rémi Dumoulin) qui survole le spectacle par son jeu et le son qu'il s'est forgé. Cependant, le morceau d'improvisation libre dirigé par Dumoulin n'était pas réellement nécessaire.
L'ensemble est harmonieux, on passe de la découverte du procédé, à la surprise des voix ou compositions. Je regrette que les compositions n'aient pas laissé plus de place aux percussions, on reste dans l'aérien ( cuivres, bois, ...) le côté terrien manque. Pour finir je me demande encore pourquoi la pianiste était sur scène, le piano "arrangé" tel que mentionné par Yvinec me laisse un goût amer de supercherie intellectuelle. Je pense que "arrangé" comme Sam Yahel aurait eu un réel intérêt ...
Troisième concert mais là c'est du off, Patrick Vanhee Trio dans un restaurant.
Exercice difficile, jouer devant une assistance qui n'est pas forcément là pour écouter. Le comble c'est que certaines personnes pourraient même être dérangé par le "bruit". Mais le trio s'en sort avec brio ( celle là faut la placer ! ) emmené par Patrick Vanhee très humble, Alain Mayeras au piano et Pascal Combeau à la contrebasse. Le groupe enchaîne les standards, Vanhee maîtrise parfaitement l'instrument, et son son ainsi que son phrasé nous rappellent le cool jazz de Stan Getz.
Cependant à mon gout Vanhee est meilleur au soprano, son son me plaît plus mais ce n'est que très subjectif ... Le pianiste s'éclate en jouant et son plaisir est communicatif. Pour le contrebassiste, j'avais vu quelques jours avant Ron Carter donc je ne peux pas être objectif...
Très bon moment passé, ce serait intéressant de connaître Vanhee sur un répertoire de compositions personnelles.
Quatrième et dernier concert, Jan Garbarek et Trilok Gurtu, qui viennent clôturer le festival. Le norvégien se faisant rare sur scène, le rendez-vous avec une légende du label ECM était inmanquable.
Encore une fois à l'opéra théatre, et après les remerciements d'usage pour un concert de clôture, Jan Garbarek commence son concert.
Les premieres minutes du concert sont un peu hermétiques pour le non initié, les cris de mouettes joués au saxo peuvent décontenancer plus d'une oreille experte.
Passé ce temps d’acclimatation, on voyage de thème en thème avec des évocations de l'asie, l'afrique, l'océanie. Garbarek nous emmène avec lui et ses solis sont de hautes voltiges, le pianiste alterne piano à queue et clavier, le bassiste joue sur une basse électrique sans fret et Trilok Gurtu joue de tout ce qui peut se taper dessus avec les mains ou des baguettes.
Les échanges entre le percussioniste et le pianiste dans un premier temps, le bassiste par moment et Garbarek ensuite caractérisent ce concert où les musiciens essayent de se répondre en musique sur chaque morceaux.
On peut regretter le solo de basse interminable et sans saveur, et surtout la très mauvaise sonorisation des instrumentistes, la batterie de Gurtu surpasse en volume sonore l'ensemble des intervenants, le premier solo de piano fût molto pianissimo, bref un mauvais travail du gars derrière la console de mixage.
Pour revenir à la musique, certains morceaux sont vraiment datés années 80 avec ce mouvement du jazz fusion et le rappel ressemblait vraiment à une guimauve pour film des mêmes années.
En conclusion le nom fait pardonner beaucoup, mais ce concert n'est pas dans mes préférés, les belles affiches ne font pas forcément les beaux spectacles ...
Pour finir, l'intérêt d'un festival est de faire découvrir ou apprécier des courants ou styles différents. Le pari est réussi, même si je n'ai pas vu tous les concerts, l’éclectisme est de mise. Enfin en cette période de fin d'année ou nous sommes souvent sollicités, j'ai envie de lancer un appel au don pour que le directeur artistique Leygonie puisse acheter une chemise. Je comprends que les "intellectuels" ne font pas attention aux apparences mais le look clodo ne me paraît pas approprié. Alors donnez !!!
Site du festival
Notes:
Concert de Ron Carter: 17/20
Site de Ron Carter
Concert de l'ONJ: 15/20
Site de l'ONJ
Concert de Patrick Vanhee: 15/20
Site de Patrick Vanhee
Concert de Jan Garbarek: 13/20
Site de Jan Garbarek
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