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dimanche 11 décembre 2011

Patty, on reste ami ami ?

ROCK
Dans le panthéon des guitaristes, Eric Clapton tient une place à part. Dès les années 60 avec les Yardbirds, John Mayall, Cream, Clapton gagne ses galons de guitar hero. Dans le swinging London, le pote des Stones et des Beatles est déjà une star et le public le surnomme "god". Clapton fait parti des meilleurs musiciens du monde mais ce n'est qu'en 1970 qu'il nous livre son premier album solo sobrement intitulé Eric Clapton avec une photo du barbu dans un fauteuil en guise de pochette.
Clapton reste très actif en 1970 en sortant un album qui reste une référence du blues rock sous le nom de Derek & The Dominos: Layla and assorted love songs. Comme son nom l'indique, cet album contient le tube interplanétaire Layla, qui fait référence à l’histoire d'amour impossible qu'il a pour Pattie Boyd, la femme de George Harrison qui était alors son meilleur ami. Cependant ce tube n'en fut pas un à sa sortie car l'album n’eut pas de succès et il fallut attendre l'enregistrement du unplugged Mtv pour que ce morceau soit reconnu comme le plus gros tube de l'artiste, soit une bonne vingtaine d'année plus tard.
L'amitié avec George Harrison permit à Clapton d'être le seul guitariste à avoir enregistré avec les Beatles ( While my guitar gently weeps ) mais sa frustration amoureuse et l'envie de découvrir de nouveaux horizons de créations le conduisirent à la drogue et l'alcool. De 1970 à 1973 Clapton sombre dans l'héroïne et la dépression. Grace à ses amis dont Ron Wood et Pete Townsend (guitariste des Who), Clapton va subir un véritable électrochoc. Lors d'un concert organisé en 1973 par ces derniers, le guitariste retrouve la scène, le public et le jeu en groupe, il comprend que sa vie est dans la musique et qu'il doit stopper sa longue déchéance addictive pour maintenir sa virtuosité légendaire. Après sa cure de désintoxication, Eric Clapton s'enferme dans une maison loué à Miami sur Ocean Boulevard et enregistre son deuxième album solo.
461th Ocean Boulevard est un album essentiel pour Clapton car il marque un tournant dans sa vie, l'adieu à la drogue, la première fois classé numéro 1 aux états-unis et une liaison naissante avec Pattie Boyd qui était à l'origine de ses tourments dans un triangle amoureux digne de Corneille.
Comme dans son premier album solo, Clapton alterne compositions personnelles et chansons de musiciens talentueux mais peu connus. Si dans son premier album solo, Clapton joue des titres de JJ Cale avec le tube After Midnight qu'il s'appropriera au fil des années comme morceau incontournable de ses sets live, dans le deuxième il emprunte à Bob Marley avec I Shot The Sheriff.
Incontestablement le tube de l'album, ce titre reggae fut composé par un jeune jamaïcain que Clapton avait rencontré quelques mois plus tôt. Clapton devint par ce titre l'ambassadeur du reggae en Europe en lançant cette mode musical. 461th Ocean Boulevard fut pour Bob Marley alors inconnu une véritable fenêtre sur le monde. La brèche était ouverte et des groupes jamaïcains purent squatter les salles de concerts de notre métropole à la fin des années 70.
La construction de I Shot The Sheriff est assez classique, mais on reconnaît assez aisément la patte de Marley avec l'utilisation de chœurs sur le refrain et l'emploi de l'orgue en contrechant.
L'album débute sur Motherless Children, sur un rythme soutenu, Clapton attaque une ligne mélodique joué en slide avec un bottle neck. Les couplets s'enchaînent avec une section rythmique sur des rails avec l'orgue de Dick Sims en appui. Le final semble tiré d'un live et on peut entendre le batteur faire le pitre dans les dernières secondes de l'enregistrement.
Better Make It Through Today pose dès les premières mesures une ambiance feutrée, la voix du guitariste reste assez douce, on a envie de se blottir au fond d'un canapé, bien au chaud ! Clapton fait un premier solo suivi de l'organiste.
Sur Willie And The Hand Jive Clapton et George Terry se répondent par guitare interposée sur l'introduction et la fin du titre, le rythme très syncopé fait la particularité du morceau.
Avec Get Ready, Clapton laisse de la place à la chanteuse Yvonne Elliman qui à coécrit le morceau.
Le thème répété inlassablement confine à l'incantation et la guitare vient conclure ce prêche avec quelques notes salvatrices.
I Can't Hold Out est un bon vieux blues avec un gros son de guitare et bien entendu un solo de notre guitar hero. Please Be With Me est une ballade dont l'intro pourrait évoquer les Beatles, dans ce morceau Clapton utilise une guitare dobro dont le son est si caractéristique. Cette guitare tire son son spécifique de résonateurs en métal qui se trouvent directement au niveau du chevalet. Le but premier de ce système était d'amplifier le son de la guitare sans électricité.
Let It Grow est le deuxième tube de cet album, l'écriture bien que classique nous emmène aux portes du rock progressif. L'envolée lyrique de la fin du morceau aurait pu être de Jimmy Page et s'enchaîner avec un solo endiablé mais Clapton ne veux plus de cette étiquette de virtuose et il ne posera pas de notes esthètes sur les accords qui terminent ce morceau.
Le rythme s'accélère avec Steady Rollin' Man, introduction rythmique au piano avec le son particulier que l'on retrouve dans de nombreuses compositions de l'époque. C'est le morceau où l'on trouve le plus de soli de l'artiste.
Mainline Florida se singularise par l'emploi d'une Talkbox, c'est un effet qui permet de modifier le son d'une guitare par la voix. Le guitariste se retrouve avec un tube dans la bouche, et chante en même temps qu'il joue, l'une des utilisations les plus connus est celle de David Gilmour guitariste des Pink Floyd dans l'album Animals.
L'album se termine avec Give Me Strength, la guitare dobro fait son retour et le soleil de la Floride semble être présent dans cette ballade.
Eric Clapton conquiert grâce à 461th Ocean Boulevard la reconnaissance comme compositeur. Le titre I Shot The Sheriff qui va lui ouvrir les portes des charts mondiaux n'est pas représentatif de l'album et du son Clapton. Il faudra attendre l'album Slowhand pour que le public comprenne mieux le guitariste avec des titres phares comme Cocaïne, Wonderful Tonight, ...
Avec une discographie énorme, pratiquement une vingtaine d'album studio, le même nombre d'albums en collaboration avec d'autres artistes, une dizaine d'albums live, Clapton écrit depuis plus de quarante ans des musiques blues rock.
Même si depuis les années 90, il se tourne vers le blues qu'il a pratiqué à ses débuts, ses albums solos Layla and assorted love songs, 461th Ocean Boulevard et Slowhand sont incontournables pour tout amateur de rock des années 70. Clapton nous prouve ses talents de compositeur et se prouve à lui même qu'il n'est pas seulement un guitariste exceptionnel. Il a révélé le bluesman JJ Cale et Bob Marley, et encore aujourd'hui beaucoup pensent que Cocaïne est un titre de Clapton tant il s'est approprié ce titre.
En conclusion, Clapton a toujours su rester humble envers ses amis, ses musiciens, les artistes qu'il a attiré sous les feux de la rampe. Et pour l'anecdote sa liaison avec Pattie Boyd l'emmène au mariage en 1979 ... puis au divorce en 1988... 
NOTE: 16/20
Site de Clapton 
Ecoutez ici 

jeudi 1 décembre 2011

Festival Eclats d'Email 2011

Jazz
Pour cette sixième édition, de l'amateurisme éclairé, le festival devient professionnel et des têtes d'affiches osent venir à Limoges où le public est toujours au rendez-vous.
3 concerts "in" et 1 "off":
Le premier concert est certainement le meilleur des 4, Ron Carter ouvre officiellement le festival à l'opéra théatre.
Pour ce concert le contrebassiste s'est entouré d'un pianiste Mulgrew Miller et d'un guitariste Kevin Eubanks. Pas de batteur pour que l'auditeur puisse entendre les nuances subtiles de la contrebasse. Ron Carter à 74 ans nous invite comme il le dit dans son living room, la sensibilité du jeu du contrebassiste est impressionnante. Les thèmes s'enchainent et l'influence bop des musiciens que Ron Carter a croisé au cours de son immense carrière transpire sur chaque mesure ( Miles Davis, Monk, Cannonball Aderley, ...). La virtuosité du papy jazz est toujours au service de l'émotion et il s'amuse même sur un solo à jouer la suite numéro 5 de Bach. Ses acolytes ne sont pas en reste et la maitrise du pianiste Miller est sans faille, une complicité lie ce dernier au contrebassiste et elle ne doit pas dater d'une semaine. Mais la révélation fut pour moi le guitariste Eubanks qui assure sur tous les domaines du jeu. Que ce soit en accords, picking ou taping, le virtuose enchaîne les soli avec une sensibilité à fleur de peau, cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un guitariste aussi doué.
Petit bémol sur la soirée d'ouverture, la balance n'était pas parfaite et il fallait tendre l'oreille pour entendre certains soli.

Deuxième concert, toujours à l'opéra théatre, avec une ambiance complètement différente. L'Orchestre National de Jazz (ONJ) dirigé actuellement par Daniel Yvinec nous offre un spectacle alliant composition, musique improvisée et vidéos. Le principe exposé par Daniel Yvinec est de partir d'enregistrement de voix et de composer la musique à partir de la voix. L'idée est de renverser la création musicale  habituelle où la voix vient se poser sur une musique déjà composée à partir d'une ligne de basse ou d'une grille d'accord, d'un riff de guitare, etc ... Même si la présentation ressemble à un devoir scolaire que Mr Yvinec devait présenter à l'oral, le résultat est très intéressant.
Donc sur chaque composition un chanteur (voix enregistré), des soli et une vidéo. Les musiciens sont nombreux, en effet un sax alto et ténor, une clarinette basse, une pianiste, un clavier, un guitariste, un bassiste, un batteur, un trompettiste, une flute traversière. Les compositions sont très bien faites avec des arrangements laissant une place aux cuivres très importantes, Yvinec nous prouve son talent de composition pour créer des ambiances sonores cinématiques. Les morceaux s'enchainent sans déplaisir avec des soli inégaux, les musiciens n'ont pas tous la même qualité de jeu et d'improvisation. Mention spéciale au sax ténor (Rémi Dumoulin) qui survole le spectacle par son jeu et le son qu'il s'est forgé. Cependant, le morceau d'improvisation libre dirigé par Dumoulin n'était pas réellement nécessaire.
L'ensemble est harmonieux, on passe de la découverte du procédé, à la surprise des voix ou compositions. Je regrette que les compositions n'aient pas laissé plus de place aux percussions, on reste dans l'aérien ( cuivres, bois, ...) le côté terrien manque. Pour finir je me demande encore pourquoi la pianiste était sur scène, le piano "arrangé" tel que mentionné par Yvinec me laisse un goût amer de supercherie intellectuelle. Je pense que "arrangé" comme Sam Yahel aurait eu un réel intérêt ... 

Troisième concert mais là c'est du off, Patrick Vanhee Trio dans un restaurant.
Exercice difficile, jouer devant une assistance qui n'est pas forcément là pour écouter. Le comble c'est que certaines personnes pourraient même être dérangé par le "bruit". Mais le trio s'en sort avec brio ( celle là faut la placer ! ) emmené par Patrick Vanhee très humble, Alain Mayeras au piano et Pascal Combeau à la contrebasse. Le groupe enchaîne les standards, Vanhee maîtrise parfaitement l'instrument, et son son ainsi que son phrasé nous rappellent le cool jazz de Stan Getz.
Cependant à mon gout Vanhee est meilleur au soprano, son son me plaît plus mais ce n'est que très subjectif ... Le pianiste s'éclate en jouant et son plaisir est communicatif. Pour le contrebassiste, j'avais vu quelques jours avant Ron Carter donc je ne peux pas être objectif...
Très bon moment passé, ce serait intéressant de connaître Vanhee sur un répertoire de compositions personnelles.

Quatrième et dernier concert, Jan Garbarek et Trilok Gurtu, qui viennent clôturer le festival. Le norvégien se faisant rare sur scène, le rendez-vous avec une légende du label ECM était inmanquable.
Encore une fois à l'opéra théatre, et après les remerciements d'usage pour un concert de clôture, Jan Garbarek commence son concert.
Les premieres minutes du concert sont un peu hermétiques pour le non initié, les cris de mouettes joués au saxo peuvent décontenancer plus d'une oreille experte.
Passé ce temps d’acclimatation, on voyage de thème en thème avec des évocations de l'asie, l'afrique, l'océanie. Garbarek nous emmène avec lui et ses solis sont de hautes voltiges, le pianiste alterne piano à queue et clavier, le bassiste joue sur une basse électrique sans fret et Trilok Gurtu joue de tout ce qui peut se taper dessus avec les mains ou des baguettes.
Les échanges entre le percussioniste et le pianiste dans un premier temps, le bassiste par moment  et Garbarek ensuite caractérisent ce concert où les musiciens essayent de se répondre en musique sur chaque morceaux.
On peut regretter le solo de basse interminable et sans saveur, et surtout la très mauvaise sonorisation des instrumentistes, la batterie de Gurtu surpasse en volume sonore l'ensemble des intervenants, le premier solo de piano fût molto pianissimo, bref un mauvais travail du gars derrière la console de mixage.
Pour revenir à la musique, certains morceaux sont vraiment datés années 80 avec ce mouvement du jazz fusion et le rappel ressemblait vraiment à une guimauve pour film des mêmes années.
En conclusion le nom fait pardonner beaucoup, mais ce concert n'est pas dans mes préférés, les belles affiches ne font pas forcément les beaux spectacles ...

Pour finir, l'intérêt d'un festival est de faire découvrir ou apprécier des courants ou styles différents. Le pari est réussi, même si je n'ai pas vu tous les concerts, l’éclectisme est de mise. Enfin en cette période de fin d'année ou nous sommes souvent sollicités, j'ai envie de lancer un appel au don pour que le directeur artistique Leygonie puisse acheter une chemise. Je comprends que les "intellectuels" ne font pas attention aux apparences mais le look clodo ne me paraît pas approprié. Alors donnez !!!
Site du festival 
Notes:
Concert de Ron Carter: 17/20
Site de Ron Carter 

Concert de l'ONJ: 15/20
Site de l'ONJ 

Concert de Patrick Vanhee: 15/20
Site de Patrick Vanhee

Concert de Jan Garbarek: 13/20
Site de Jan Garbarek